Introduction
L’apprentissage, longtemps salué comme un modèle exemplaire pour l’insertion des jeunes et la formation professionnelle, se trouve aujourd’hui à un tournant critique.
Depuis février 2025, la combinaison de la baisse des aides publiques et de l’instabilité économique a profondément bouleversé le marché de l’alternance, entraînant une chute historique des offres et une prudence accrue des entreprises
Une chute brutale des aides et des offres
La réduction des aides à l’embauche d’alternants a été immédiate : les TPE et PME de moins de 250 salariés sont passées de 6 000 à 5 000 euros, et les grandes entreprises de 6 000 à seulement 2 000 euros.
Cette décision, qui permet à l’État de réaliser plus d’un milliard d’euros d’économies, a eu des effets spectaculaires sur le développement de l’alternance.
Par exemple, dès mars 2025, JobTeaser, la plateforme utilisée par la plupart des écoles de commerce et d’ingénieurs, a constaté une chute de 93 % des offres dans les PME.
Entre mars et juillet, les propositions d’embauche reçues ont diminué de 22 %, avec un recul particulièrement marqué de 85 % dans les petites structures.
« Alors que près de 80 % des offres annuelles sont publiées à cette période, nous constatons une baisse inédite », souligne Michael Giaj, responsable des études chez JobTeaser.
Le Medef confirmait dès mai 2025 une baisse de plus de 20 % du nombre de contrats d’apprentissage, une tendance qui semble se confirmer avec le temps.
Selon l’Insee, la contraction du marché pourrait entraîner la destruction de 65 000 postes d’alternants d’ici la fin de l’année.
Coût supplémentaire et prudence des entreprises
Si les PME ont été les premières touchées, les grandes entreprises commencent elles aussi à réduire leurs recrutements. Le surcoût lié à la réforme, combiné à la nouvelle participation obligatoire de 750 euros pour chaque alternant de niveau Bac+3 ou supérieur, pousse certaines entreprises à réduire le nombre de contrats.
Cette prudence est logique dans un contexte économique fragile.
Entre crises répétitives depuis le Covid, instabilité politique et incertitude budgétaire, de nombreuses entreprises, petites et grandes, choisissent de freiner leurs embauches.
L’incertitude politique et économique comme frein majeur
La baisse des aides n’explique pas tout. L’instabilité politique et la crainte de nouveaux impôts aggravent l’effet.
Selon Bpifrance et Rexecode, près de 70 % des dirigeants de TPE et PME anticipent un impact négatif fort de la situation politique sur leur activité.
Joseph Calvi, président de la Chambre des métiers et de l’artisanat Occitanie, rappelle :
« L’apprentissage reste un contrat de travail. Avant de s’engager, l’entreprise regarde sa visibilité pour les prochains mois. Dans le contexte actuel, les stages courts peuvent paraître plus sûrs que l’alternance sur un ou deux ans. »
Michel Picon, président de l’Union des entreprises de proximité, insiste :
« L’apprentissage n’est pas une dépense, c’est un investissement. Réduire les aides sous prétexte budgétaire serait une erreur économique et sociale majeure. »
Vers une transformation du marché de l’alternance
L’âge d’or de l’apprentissage semble toucher à sa fin. La combinaison de la baisse des aides et de l’instabilité économique transforme le marché : moins de contrats, plus de prudence des recruteurs et une pression accrue sur les CFA et les entreprises pour maintenir les sections existantes.
En conséquence, de nombreux jeunes se retrouvent sans contrat, sans diplôme et sans perspective claire. Leur parcours de formation est interrompu, les laissant dans une situation d’impasse.
Certains devront intégrer le marché du travail sans qualification ni expérience professionnelle suffisante, un handicap lourd pour leur avenir.
L’impact psychologique de cette situation, souvent sous-estimé, pourrait se révéler particulièrement difficile dans les mois à venir.
L’apprentissage, longtemps symbole de réussite public-privé, devient aujourd’hui un baromètre de l’économie française, révélant combien la formation des jeunes et la santé des entreprises sont intimement liées.
Pour protéger l’avenir des jeunes, il est indispensable de sécuriser le cadre de l’alternance, d’assurer un financement durable et de valoriser ce levier essentiel d’insertion professionnelle.